Les corps politiques de l’Anthropocène: repenser l’encorporation, la subjectivation et les temporalités à partir des écrits féministes
Est-il possible de se penser et de se représenter autrement qu’à travers la catégorie d’anthropos c’est-à-dire d’humain universel ? Cette catégorie est-elle toujours appropriée si l’on veut faire face au dérèglement climatique ? Ne risque-t-elle pas de reconduire l’anthropocentrisme qui est en partie responsable de ce dérèglement ? En effet, nous sommes face à un bouclage : alors que les critiques multiples de l’Anthropocène dénoncent la centralité que donne cette appellation au genre humain, il apparaît qu’elles continuent, paradoxalement, à reconduire cette même centralité lorsqu’elles proposent des appellations alternatives (Capitalocène, Eurocène, Thanatocène, etc). Face à ce paradoxe, tout en participant partiellement au bouclage, les théoriciennes féministes contribuent néanmoins à en déplacer la focale et à nourrir et questionner les études environnementales, en les poussant à revoir leurs conceptions du temps, du sujet politique et des corps marqués.
En partant des critiques féministes, écoféministes, décoloniales et posthumanistes de l’Anthropocène, la recherche ouvrira deux lignes d’enquête théorique qui nourriront tant la pensée féministe que les études environnementales. D’une part, il s’agira de re-théoriser le sujet politique féministe à partir des écrits éco-féministes en particulier, et ainsi, de proposer aux féminismes queer, décoloniaux et intersectionnels de repenser la catégorie du corps comme étant aussi une instanciation des troubles environnementaux contemporains. D’autre part, il s’agira d’interroger les corps climatiques tels le sol, le carbone, les plantes, l’eau, les déchets comme autant de spectres géotemporels qui rappellent les destructions et transformations en cours et qui peuvent, de ce fait, instiguer des nouvelles subjectivités collectives décalées et éloignées des temporalités linéaires de l’Anthropocène et de la centralité de l’anthropos.